Archives de catégorie : Paris en ce temps-là

Montmartre

En 1860 lors de l’ extension de Paris du mur des Fermiers généraux à l’enceinte de Thiers, la commune de Montmartre est supprimée en tant que telle et la plus grande partie de son territoire  est rattachée à Paris au sein du 18e arrondissement, appelé « Butte-Montmartre ».

Voici ce qui est dit dans le dictionnaire des lieux de Montmartre d’André Roussard, ce « vaste terrain vague est limité au sud par la rue Cortot, la rue de l’Abreuvoir, le Moulin de la Galette et au nord par la rue Caulaincourt à partir de l’angle de l’actuelle avenue Junot et de la place Constantin Pecqueur, allant jusqu’au Lapin Agile, rue Saint-Vincent. Construit dans un hallier, c’était une sorte de bidonville, constitué de constructions hétéroclites et de cabanes. L’origine de ce nom, qui de nos jours a une connotation très différente, vient sans doute du maquis corse, refuge des bandits d’honneur et des autres ; de même cette sorte de favela servit de cachettes à des escarpes grâce à son dédale de ruelles et des passages, de constructions biscornues sans aucun plan, ses sorties innombrables et ses dénivellations propices aux gens recherchés« . On fait remonter les origines de ce maquis autour de 1887 en se référant à une photo d’Henri Daudet où la ferme Debray (située à l’angle de la rue Girardon et de l’avenue Junot, dans ce périmètre) apparaît sans beaucoup de constructions autour.

La ferme Debray  à l’angle de la rue Girardon et l’avenue Junot

La ferme Debray à l’angle de la rue Girardon et l’avenue Junot

Le Maquis

Fin XIXème, sur le versant nord de Montmartre, il existe un vaste terrain vague appelé le Maquis. De nombreuses baraques en bois ou en dur s’y sont peu à peu construites. Même si cela ressemble à un bidonville d’aujourd’hui, ce n’est pas tout à fait le cas, car on y trouve aussi de petites fermes, des jardins et même un « château » (le Château des Brouillards) qui abrita la famille Renoir. Il y vit tout une population très typique du monde montmartrois de l’époque : chiffonniers et misérables, apaches, mais aussi bohèmes et artistes, peintres, marginaux de tout genre, etc. Il sera détruit en 1910 afin que soit percée l’avenue Junot.

Vue du maquis, avec  sur la droite de la photo, le "bateau-lavoir" et des ateliers d'artistes.

Vue du maquis, avec sur la droite de la photo, le « bateau-lavoir » et des ateliers d’artistes.

Les Annales, un vieux journal, écrivait en 1907 à propos du Maquis :
« Le Maquis – dont on annonce la prochaine disparition – était, autrefois, beaucoup plus vaste et moins tranquille que celui d’aujourd’hui. A côté des guinguettes et des charmilles, où la jeunesse venait s’ébattre le dimanche, s’élevaient des cabarets borgnes abritant une population louche qui, le soir venu, semaient la terreur parmi les habitants de Montmartre. Mais, depuis longtemps, on n’y voyait plus que de pauvres gens qui, avec les épaves des démolitions d’alentour, s’étaient construit des abris branlants, des cabanes rapiécées avec de vieux morceaux de toile de goudron, et dont les portes semblaient cousues avec des ferrures en boîtes de sardines.
En parcourant cette cité de la dèche et de la fantaisie, l’on rencontrait, à chaque instant, d’amusants recoins. Ici, un atelier d’artiste semblait sortir d’un rocher ; là, une roulotte dont on a fait un appartement complet ; plus loin une bicoque aux allures de petite maison de campagne, avec des volets verts, des plantes qui grimpent au treillage et de vraies allées dans quatre mètres de terrain.
  »

Le maquis en 1907

Le maquis en 1907

Au début du XXème siècle se trouvait réuni à Montmartre un groupe d’artistes, peintres, poètes, écrivains et musiciens sans équivalent dans l’histoire. Ils ont révolutionné les arts, et spécialement la peinture. Le mouvement avait commencé avec les impressionnistes et jusqu’à la guerre de 1914, il régnait sur la Butte une ambiance artistique qui n’existera sans doute jamais plus nulle part, accompagnée le plus souvent d’une misère absolue.

On peut expliquer ce phénomène par la modicité des loyers, la qualité de la lumière et l’aire de liberté que représentait cet îlot de la capitale. Pour des raisons fiscales un grand nombre d’établissements (auberges, restaurants, bistros, cafés littéraires, cabarets, …) s’étaient établis au-delà du Mur des Fermiers Généraux pour éviter la marchandise de passer par les octrois pour rentrer dans Paris. Si tout le monde connait le Chat Noir,  le Lapin Agile et bien sûr le Moulin Rouge ou celui de la Galette, bien d’autres lieux accueillaient les artistes et intellectuels bohémiens : le cabaret du Rat Mort, le premier cabaret-galerie  du Père Laplace, le restaurant du Père Lathuille, le café la Nouvelle Athènes, …

Affiches du Chat Noir

Affiches du Chat Noir

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Petite histoire des Apaches

C’est dans un de ses célèbres romans feuilletons qu’ Alexandre Dumas fils avait, le premier, créé un lien imaginaire entre les bandes de mauvais garçons des faubourgs de Paris et les tribus sauvages des plaines d’Amérique du Nord.

Dans la réalité, il existe dans le Paris de la Belle Epoque une multitude de bandes criminelles organisées et cloisonnées qui alimentent le mythe de l’omniprésence des prétendus Apaches. Ils adoptent des noms de guerre pittoresque censés susciter l’effroi et le respect du bourgeois : la Bande des Grains de Beauté de St-Ouen, les Tatoués d’Ivry… Rien de bien original pour l’époque, mais ce gang se démarque des autres bandits par leur accoutrement et leurs mœurs libérés, qui choquent les mentalités.

Un Apache type, à gauche

Un Apache type, à gauche

Le style vestimentaire ainsi que la codification très précise des signes distinctifs de l’apache vont permettre de fixer la représentation des mauvais garçons dans la mythologie du Paris canaille pour les décennies à venir.

Ces messieurs portent généralement la casquette à trois ponts avec un foulard, la veste entr’ouverte laissant voir une chemise frippée, et un ‘bénouze’  (pantalon patte d’eph’) et enfin, détail plus qu’important à leurs yeux: les chaussures, ultra-brillantes, signe distinctif pour épater la galerie.

Et puis, chose frappante pour l’époque, ces jeunes gens ne sont pas que des hommes, et la gente féminine prend part aux méfaits attribués au gang. Ces femmes choquent la population, par leurs attitudes libérées et affichées.  Elles arpentent le trottoir arborent des jupes longues recouvertes de tabliers de couleurs, des blouses criardes et un ruban de velours autour du cou et surtout pas de chapeau, puisque leur statut de « femme en cheveu » renseigne le client sur leur condition de prostituée.

Manda - Leca et Casque d'Or

Manda – Leca et Casque d’Or

Ce rôle actif des femmes dans l’organisation criminelle de la bande fait d’ailleurs la Une des journaux, à l’instar de Casque d’Or, Amélie Elie de son vrai nom. En 1902, Casque d’Or est une prostituée, dont le surnom fait écho à la lutte que se livrent 2 chefs de bande, Leca et Manda, afin d’obtenir ses faveurs. Casque d’Or fut par la suite immortalisée par Simone Signoret dans le film éponyme de Jacques Becker, sorti en 1952.

L’apache disparaît aux abords de la guerre 14-18 suscitant un grand élan de nostalgie jusqu’à la fin des années 30. Il est remplacé à partir des années 20 par le gangster, taillé sur le modèle américain ; plus efficace et moins folklorique.

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L’académie Colarossi

L’Académie Colarossi est une école artistique parisienne, fondée en 1870, par le sculpteur italien Filippo Colarossi au au 10 rue de la Grande-Chaumière.

 Annonce de l'Académie Colarossi

Annonce de l’Académie Colarossi

Lorsque le genevois, Charles Suisse, ancien modèle de Jacques-Louis David, prend sa retraite, Filippo Colarossi rachète son « Académie Suisse-Cabressol » (fondée, en 1815, par Suisse, comme académie de nu) et la rebaptise tout d’abord « Académie de la Rose ». Elle est alors située sur l’île de la Cité, à l’angle du quai des Orfèvres et du boulevard du Palais. En 1870, elle est transférée au 10 rue de la Grande-Chaumière dans le 6e arrondissement. L’académie possède alors également un atelier au 43 avenue Victor Hugo dans le 16e arrondissement. À la fois école privée et atelier libre, elle constitue une alternative à l’institution de l’École des Beaux-Arts de Paris, devenue trop conservatrice aux yeux de nombreux artistes. Rodin, Gauguin et Whistler en furent des élèves prestigieux.

Tout comme l’Académie Julian, l’école de Colarossi est mixte et les autorise les étudiantes à peindre d’après des modèles masculins nus. Parmi les femmes qui fréquentèrent l’académie, on peut citer Jeanne Hébuterne, la muse de Modigliani, et celle qui allait devenir l’inspiratrice, le modèle, la confidente et l’amante de Rodin, Camille Claudel. Réputée également pour ses cours de sculpture d’après modèle, l’établissement attire nombre d’élèves étrangers, notamment américains, scandinaves et canadiens. En 1907, l’académie nomme sa première femme professeur, l’artiste néo-zélandaise Frances Hodgkins, confirmant ainsi son esprit progressiste.

Vue d'un atelier de l'Académie vers 1908

Vue d’un atelier de l’Académie vers 1908

L’école ferme dans les années 1930. Peu auparavant, Madame Colarossi avait brûlé les archives de l’institution, en guise de représailles contre les infidélités de son époux.

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